Mobile / Ama (en remplacement de Sarabande)

Il y a une tradition implicite aux Nuits d’été. Quand le sort nous joue un mauvais tour et se permet d’annuler un spectacle, la « solution de remplacement » se doit d’être aussi excitante que la déception est grande. Noémi Boutin la virtuose ne pourra pas jouer cet été avec Jörg Müller le pourvoyeur d’émerveillement, certes. Mais Jörg a plus d’une corde à son mobile et sait constamment s’entourer d’artistes exceptionnels pour des projets féeriques. Il vient même avec deux d’entre eux pour alléger notre peine : Mobiles et Ama.

Et c’est là sa grande force lorsqu’il est en scène : la légèreté !

Mobiles est un solo qu’il a imaginé il y a longtemps, que l’on peut considérer comme le manifeste de sa créativité et de son originalité. Seul avec ses complices de longue date, des tubes métalliques suspendus, il jongle et réinvente à la fois l’art du cirque, de la danse et du rythme. De ces tubes, il est aussi le chef d’orchestre, jouant avec eux une partition fragile faites de sons et de reflets, de tournoiements et d’entrechocs délicats. Cette partition est alors tout à la fois son plafond, son plancher et son décor, de sorte que l’artiste et ses outils ne font plus qu’un : il existe grâce aux tubes, qui existent grâce à lui – et nous sommes pantois devant tant de poésie et d’humilité…

Avec Ama, Jörg défie à nouveau l’(a)pesanteur. Son partenaire de danse et de jeu est ici un drap blanc, la simplicité même. Simple, oui, mais… entre les mains d’un tel artiste, même une sobre étoffe s’anime, littéralement. Il lui donne une âme, une vie, et ce n’est plus un simple tissu qui se meut, mais une galerie d’objets et de personnages : une robe de mariée, un feu follet, un vaisseau fantôme errant depuis la nuit des temps ou bien d’autres choses. À Bertrand Wolff – compositeur annécien imprégné de la recherche de Pierre Schaeffer, aussi à l’aise avec les instruments que l’électronique – il a confié l’écriture d’un paysage sonore onirique et escarpé, troisième acolyte à partager cette scène envoûtante.

Comme prévu, la tête nous tournera lors de ce spectacle, de l’ivresse caractéristique des enchantements qui nous font regarder le monde comme des enfants.